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ÉLOGE DE M. DE HALLER.


les plus insolubles de la métaphysique et de la morale ; des épîtres où il peint les douceurs de l’amitié et de la vie pastorale, les plaisirs attachés à la simplicité des mœurs, les charmes des vertus douces et tranquilles, et le bonheur qui suit les sacrifices que commandent les vertus fortes et austères : telles sont les poésies de M. de Haller. En répandant sur la corruption des mœurs le ridicule et le mépris, il peint l’hypocrisie de couleurs plus odieuses ; il chante les bienfaits de la religion, qui apprend aux hommes à s’aimer, ou du moins à se souffrir les uns les autres ; et il s’élève contre les crimes de l’intolérance avec cette horreur toujours d’autant plus forte dans les âmes vertueuses, qu’elles sont plus sincèrement attachées à la religion : on croirait entendre à la fois Fénelon célébrer les délices de l’amour divin, et l’auteur de la Henriade tonner contre le fanatisme.

Les poèmes de M. de Haller furent bientôt traduits en français ; les nations européennes virent avec étonnement la poésie allemande, inconnue jusqu’alors, leur offrir des chefs-d’œuvre dignes d’exciter la jalousie des peuples qui depuis plusieurs siècles se disputaient l’empire des lettres. Heureuse d’être née plus tard, elle réunissait, dès ses premiers pas, cette profondeur de philosophie qui caractérise les siècles éclairés, et ces richesses d’imagination, apanage heureux des premiers âges de la poésie. Peut-être même (qu’il nous soit permis de hasarder ici cette remarque), la littérature allemande dut-elle la prompte justice que lui ont rendue les nations étran-