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ÉLOGE DE M. DE HALLER.


cette sévérité s’étendait sur l’anatomiste qui les dissèque : il se hâta donc de quitter un pays où la recherche de la vérité exposait à de si grands dangers.

Il se rendit à Bâle, où il étudia les mathématiques sous Jean Bernoulli. Ces sciences ne seraient pas inutiles à un anatomiste, quand elles ne lui serviraient qu’à connaître combien les raisonnements fondés sur la mécanique sont incertains, lorsqu’on les applique à la médecine ; et c’était un préservatif dont pouvait avoir besoin un disciple de Boërhaave, élevé comme son maître dans la philosophie cartésienne.

M. de Haller revint dans sa patrie vers 1730 : il était alors dans sa vingt-deuxième année. La pratique de la médecine, d’immenses travaux d’anatomie, des voyages sur les montagnes de Suisse, où il embrassait l’histoire naturelle dans toute son étendue, ne suffisaient pas encore pour remplir son temps. Son goût pour la poésie se réveilla, ou plutôt il redevint poète une seconde fois, mais comme il convenait de l’être à un philosophe occupé depuis longtemps d’études profondes. Des tableaux de la nature, non de cette nature de convention que peignent si souvent les poètes, et qui n’est que la nature vue autrefois par Homère, et défigurée par ses imitateurs, mais de la nature telle que M. de Haller lui-même l’avait observée, lorsque, gravissant sur les rochers et à travers les glaces des Alpes, il cherchait à lui arracher ses secrets ; des poèmes où il sonde les profondeurs des questions les plus abstraites et