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ÉLOGE DE M. DE BOURDELIN.

En 1736, M. de Bourdelin avait été doyen de la faculté de médecine. Chef électif et annuel d’une compagnie composée d’hommes réunis par les mêmes études, mais divisés d’opinions, chez qui la rivalité de gloire et de fortune rend cette contrariété plus active, et change en partis les disputes sur les sciences : M. de Bourdelin connaissait tous les devoirs et toutes les difficultés d’une telle place ; il voyait combien il était difficile de gouverner un corps qui, destiné à augmenter et à répandre les lumières, et en même temps soumis à une constitution organisée dans les siècles d’ignorance ; un corps qui tient, par les formes, aux anciennes écoles, par ses connaissances, à la philosophie moderne ; qui doit à la fois détruire les préjugés et s’opposer aux nouveautés ; où l’esprit de corps peut être dangereux pour les citoyens, où la réunion des lumières et des travaux leur est si utile ; dont tous les membres sont égaux et libres, mais où l’âge et la réputation aspirent à la domination, tandis que la jeunesse affecte l’indépendance. Il savait que le doyen d’une telle compagnie doit y maintenir la paix sans éteindre l’émulation ; conserver la dignité de sa place, en se souvenant de l’égalité qu’il n’a perdue que pour un moment ; être enfin un chef ferme et respecté, sans cesser d’être un confrère modeste. M. de Bourdelin sut vaincre sans efforts les difficultés de sa place, et remplir ses devoirs sans faiblesse, et cependant sans se faire un seul ennemi. Tous applaudirent à sa conduite, parce qu’ils connaissaient les sentiments qui la lui inspiraient : le