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ÉLOGE DE M. DE BOURDELIN.


étude qui pouvait le rendre plus digne de traiter d’autres malades. S’il est une classe d’hommes devant qui l’inégalité des états doivent disparaître, ce sont les médecins. Témoins ou confidents nécessaires des maladies, des faiblesses et des passions, ils voient combien la nature a rapproché ceux que la différence des rangs on des fortunes semble séparer le plus : aussi, au milieu de la pratique la plus brillante, M. de Bourdelin donna toujours la préférence aux pauvres, comme à ceux qui avaient le plus besoin de lui, et qui pouvaient le moins recourir à des mains habiles. Cependant, malgré le peu d’éclat que put lui donner la reconnaissance vraie mais obscure de ses malades, sa réputation s’étendit ; le succès des cours qu’il avait faits dans la faculté de médecine lui avait mérité l’estime de ses confrères ; et grâces à sa modestie et à la douceur de son caractère, ces succès ne lui avaient point fait d’ennemis : ses discours, ses thèses avaient encore ajouté à sa réputation. On y reconnaît un médecin exact, patient, un sage observateur de la nature, instruit de ce que contient la foule immense des ouvrages de médecine, mais n’en adoptant les assertions que lorsque l’expérience et l’observation les lui avaient confirmées : à ce mérite essentiel se joignait celui d’une latinité élégante.

Dans les siècles d’ignorance, où le latin était la langue usuelle des savants, la nécessité de parler en latin de tout et sur-le-champ avait introduit une latinité plate et barbare, formée de mots, d’expressions, de tours des langues vulgaires, déguisés sous des terminaisons ou une syntaxe latine. Après la