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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


nerie, devenue si commune de nos jours, est le fruit de l’espèce de goût, d’ailleurs si utile, que le public semble marquer pour les sciences, et peut-être aussi de la facilité de tromper des hommes qui veulent en parler sans les étudier. Elle excitait le rire ou la pitié de M. de Jussieu, et il ne la croyait pas bien dangereuse : les esprits qui s’y livrent ou qui eu sont la dupe auraient été, selon lui, de peu de ressource pour les sciences ; et les injustices que cette charlatanerie entraîne dans la distribution de la fortune ou de la renommée, ne lui paraissaient pas mériter l’indignation d’un vrai philosophe.

Pendant plus de cinquante ans qu’il a vécu parmi nous, nous l’avons vu assidu à nos assemblées ; occupant toujours la place que les règlements lui avaient marquée, ne parlant jamais que lorsqu’on lui demandait son avis ; le disant avec précision et en peu de paroles ; toujours sage, juste et modéré si on le consultait sur les affaires de la compagnie ; toujours clair, lumineux et profond s’il prononçait sur un point de science. Naissait-il une discussion sur une question d’histoire naturelle, quelque longue, quelque vive qu’elle piit être, il gardait le silence ; mais si au milieu de la dispute une voix s’élevait pour proposer de demander l’avis de M. de Jussieu, alors tous se taisaient : il disait un mot, et la dispute était terminée.

M. de Jussieu avait fait deux voyages en Angleterre ; il espérait y trouver des richesses en histoire naturelle qui nous manquaient : l’Angleterre devait avoir acquis en ce genre quelques avantages sur la