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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


lui lisait un manuscrit, et lui demandait ses observations, il les proposait avec simplicité, mais avec franchise. S’il s’apercevait aux réponses de l’auteur que c’était son approbation et non ses avis qu’on lui avait demandés, il écoutait en silence le reste de l’ouvrage, et des formules de politesse (car la simplicité et la franchise sont souvent réduites à en employer) étaient alors toute sa réponse. Si on lui demandait son avis sur un savant, il disait volontiers le bien qu’il en pensait ; mais si le mal surpassait le bien, il se taisait.

Souvent il répondit aux questions qu’on proposait : Je ne sais pas ; et cette réponse embarrassait quelquefois les consultants, honteux alors de s’être crus plus savants que lui.

Il haïssait la charlatanerie et pardonnait aux charlatans ; une gaieté douce et des plaisanteries sans fiel, que sa bonhomie rendait piquantes, assaisonnaient les conversations qu’il avait sur ce sujet avec ses amis. C’était alors que, faisant à certaines opinions une guerre innocente, et où jamais le nom de leurs auteurs n’était prononcé, il se permettait de rire de ces vues ou superficielles ou fausses, qu’on donne avec orgueil pour le secret de la nature ; de ces découvertes annoncées avec emphase, et qu’on lit dans les livres anciens ; de ces systèmes généraux, fondés sur quelques faits souvent mal observés, et contredits par mille autres ; de ces livres qui promettent des vérités grandes et universelles, et qui ne renferment que des sophismes, des erreurs et des phrases. Cette charlata-