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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


objets que lui, et qui pouvaient l’entendre. Pour prouver à quel point il savait bien les choisir, nous nous contenterons de citer M. Duhamel, et un homme illustre, que la variété et l’étendue de ses connaissances ont placé parmi les savants, qui a honoré la magistrature par son éloquence et par son courage, qui, porté aux grandes places par sa seule renommée, n’a pu se déterminer à les remplir que par l’espérance d’y faire le bien, et qui les a quittées sans regret.

M. de Jussieu s’était dispensé de ces inutilités qu’on appelle devoirs de société, mais il les avait remplacées par une bienfaisance réelle. Il croyait que des avis utiles, des réponses promptes, et qui souvent étaient des traités complets sur l’objet qu’on lui proposait, la communication entière et sans réserve de toutes ses lumières, valaient mieux que des visites ou des lettres de politesse : il consentait à employer son temps pour les autres, mais non pas à le perdre pour eux. Ceux qui, par des motifs de personnalité ou de paresse, seraient tentés de l’imiter dans cette espèce de négligence, doivent songer qu’ils ne pourront se la faire pardonner qu’aux mêmes conditions.

Il connaissait d’autant mieux la vanité des autres hommes, qu’absolument exempt lui-même de cette faiblesse, elle le frappait davantage, et qu’il la voyait de sang-froid : mais il ne se servait de cette connaissance que pour se mettre à l’abri des querelles que la vanité des autres lui eût suscitées, et pour leur être utile sans les blesser. Quand un auteur