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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


næus devenait peu à peu la méthode de M. de Jussieu : mais toujours mécontent de ce qu’il avait fait, occupé toujours d’un point de perfection qu’il avait aperçu et qu’il ne pouvait encore atteindre, il ne voulait rien publier, il craignait d’égarer le public après lui avoir donné tant de lumières utiles : plus son autorité était respectée et faisait attendre de lui, plus il se croyait obligé de ne rien hasarder. Un de ses élèves qui avait partagé avec lui les travaux du jardin de Trianon, publia, en 1763, une méthode naturelle. L’accueil que le public fit à cet ouvrage ne causa que du plaisir à M. de Jussieu : il rendit justice à l’étendue des connaissances, aux vues ingénieuses qu’on trouve dans l’ouvrage, et n’en eut pour l’auteur que plus d’amitié comme plus d’estime ; mais il ne crut pas que ce fût pour lui une raison de rompre le silence qu’il s’était imposé ; aussi l’anecdote que nous allons rapporter prouve-t-elle que, même longtemps après, il se croyait encore bien éloigné d’avoir complètement résolu le grand problème dont il s’occupait depuis tant d’années. Un homme justement célèbre par des ouvrages d’un genre bien éloigné de la botanique, M. Rousseau, dégoûté des travaux qui n’avaient fait que troubler sa vie, voulut s’occuper de l’étude des plantes ; il fit demandera M. de Jussieu quelle méthode de botanique il devait suivre. Aucune répondit l’illustre botaniste, qu'il étudie les plantes dans l'ordre où la nature les lui offrira ; qu’il les classe d’après les rapports que ses observations lui feront découvrir entre elles : il est impossible, ajoutait-il avec modestie,