Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/279

Cette page n’a pas encore été corrigée
259
ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


cours que quelques papiers où il avait jeté ses idées, dont lui seul avait la clef ; il méditait dans les rues, dans ses promenades, sur les problèmes qu’il s’était proposés : il avait porté dans une science d’observation ces méditations profondes qu’on croit uniquement réservées aux sciences abstraites ; et il était parvenu à éprouver, dans l’étude de la botanique, les plaisirs qu’elle donne à l’aspect de la vérité.

Privé dans ses dernières années de l’usage de ses yeux, ne pouvant plus lire ni presque même observer, il fut toujours également occupé ; et c’était un spectacle nouveau que de voir un botaniste n’avoir besoin pour travailler longtemps, que de ses propres idées, comme un géomètre, un métaphysicien ou un poète.

On pourrait demander si ces lois que M. de Jussieu voulait faire servir de fondement à la botanique, existent dans la nature ? Sans doute, pour en être absolument sûr, il faudrait que ces lois fussent découvertes ; il faudrait connaître les plantes de tous les climats, pour être certain que de nouvelles observations ne viendront point détruire les lois qu’on aurait données comme générales ; mais du moins on pourra, lorsque les recherches de nos botanistes auront embrassé tout le globe. ou découvrir ces lois générales, ou s’assurer qu’il n’en existe pas.

M. de Jussieu était persuadé de l’existence de ces lois ; il se flattait d’en avoir découvert quelques-unes, et son autorité est d’autant plus grande, qu’en général ce qui n’était pour lui qu’une opinion, aurait été pour tout autre une chose prouvée. Cepen-