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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


vertueuse, et cette passion qui, comme toutes les autres, a le malheur de ne dédommager que faiblement des tourments quelle cause, n’a point agité la vie de M. de Jussieu ; plus heureux en cela que tant d’autres hommes célèbres. Peut-être cependant eut-il aussi payé ce tribut à la faiblesse humaine, s’il eût éprouvé des obstacles au commencement de sa carrière ; mais quand il aurait désiré cette gloire qu’il avait acquise sans peine, sa passion eût été satisfaite avant qu’elle eût pu avoir le temps de s’irriter par la résistance.

Lorsqu’il se présentait à lui des idées nouvelles, des découvertes particulières, il les annonçait à ses disciples, à ses amis, aux étrangers qui le visitaient ; il s’assurait par ce moyen qu’elles seraient connues, qu’elles seraient utiles, et son but était rempli. Il communiquait avec la même facilité ses grandes vues sur la botanique ; il sacrifiait (et même sans croire faire un sacrifice) l’honneur d’être législateur dans cette science, au désir d’en accélérer les progrès ; mais des vues si étendues et si profondes ne pouvaient être développées que par celui qui avait pu les avoir, et il n’a pas été possible à M. de Jussieu d’échapper à sa renommée.

Des savants, qui apparemment ne connaissaient de la botanique que sa nomenclature, ont regardé cette science, si utile à la fois et si piquante, comme une science de mots : l’exposition que nous allons faire des idées de M. de Jussieu, quelque imparfaite qu’elle puisse être, suffira pour détruire cette opinion, qui n’a été que trop accréditée par l’impor-