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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


n’agit point par une vertu particulière, mais seulement en remplissant une indication générale ; combien les remèdes, même les plus salutaires, sont éloignés d’être des spécifiques ; cependant il portait dans ses herborisations un flacon d’eau de Luce, comme une ressource qui du moins n’était qu’incertain : l’occasion d’en faire usage se présenta. Un jeune homme, mordu d’une vipère, fut traité par M. de Jussieu ; il ne prit le remède qu’après des accidents assez graves pour annoncer que la vipère avait communiqué le venin, et que la maladie serait sinon mortelle, du moins dangereuse : cependant le malade fut sauvé, et l’eau de Luce était le seul remède qu’on lui eût administré. D’autres expériences, faites depuis, ont également été suivies de la guérison. Cependant, des physiciens éclairés contestent encore l’efficacité de l’alcali volatil contre le venin des vipères ; ils croient que les seules forces de la nature suffisent pour guérir le mal, à moins que la peur l’ait rendu incurable ; mais si on peut nier avec ces physiciens que l’alcali soit un spécifique nécessaire pour la guérison, du moins il est très-difficile de ne pas croire qu’il ne soit un remède salutaire. Au reste, nous nous garderons bien de décider, puisque M. de Jussieu lui-même, malgré son succès, s’est borné à exposer les détails de l’observation, et n’a pas voulu prononcer.

Tels sont les ouvrages de M. de Jussieu. Jamais homme n’a joui d’une réputation aussi grande, n’a obtenu et mérité tant de gloire avec un aussi petit nombre d’ouvrages imprimés, et en paraissant ne