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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


dont le climat est souvent si différent de celui où l’on retrouve leurs restes.

Depuis les êtres que leur petitesse dérobe à nos regards, jusqu’aux traces des antiques révolutions du globe, aucun phénomène, aucun fait n’avait échappé aux yeux pénétrants de M. de Jussieu : il n’ignorait que les systèmes imaginés pour les expliquer. Loin d’étaler cette immensité de connaissances, il semblait la cacher ; mais les notions précises qu’il donnait à ses élèves, lorsque dans ses herborisations ils lui présentaient des insectes ou des pierres, les idées lumineuses qui lui échappaient dans la conversation, ont trahi un secret qu’il gardait, non par modestie (M. de Jussieu était naturellement trop simple pour avoir jamais besoin d’être modeste), mais par une persuasion sincère que ce qu’il savait n’était rien en comparaison de ce qu’il faudrait connaître, pour oser dire qu’on sait quelque chose.

M. de Jussieu avait fait deux ouvrages pour l’instruction de ses élèves : l’un, resté manuscrit, contenait les vertus connues des plantes ; il le dictait tous les ans, et cet ouvrage, outre le mérite de donner des connaissances utiles, avait celui de faire sentir à des jeunes gens presque tous destinés à la médecine, l’utilité d’une connaissance approfondie de la botanique, de leur montrer qu’elle était un guide sûr dans la connaissance des remèdes, et qu’elle pouvait conduire à des innovations utiles dans l’art de guérir.

Quoiqu’il eût renoncé à la pratique de la méd-