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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


ne trouvait dans cette manière de répondre qu’un moyen d’épargner du temps et des paroles. M. Linnæus, dans son voyage en France, assista à l’une de ces herborisations : les élèves de M. de Jussieu voulurent tenter avec lui la même plaisanterie. Il n’y a qu'un dieu ou votre maître qui puissent vous répondre, dit-il, aut Deus aut Dominus de Jussieu.

Les connaissances de M. de Jussieu embrassaient toute l’histoire naturelle. La plupart des botanistes joignent l’étude des insectes et des vers à celle des plantes : les insectes qui, par le nombre de leurs espèces, la diversité de leurs formes, la structure variée de leurs parties, doivent être étudiés par la même méthode que les plantes, et classés comme elles dans des divisions méthodiques, ont encore avec les végétaux des rapports plus intimes : la plupart vivent sur les plantes, s’en nourrissent, y déposent leurs œufs, y causent des altérations singulières ; enfin, c’est dans la classe des vers que se trouvent les espèces qui marquent, par des degrés insensibles, le passage d’un règne à l’autre. Mais M. de Jussieu avait été beaucoup plus loin que l’étude des insectes et des vers ; tous les animaux, toutes les substances minérales, avaient été l’objet de ses méditations ; il s’était surtout appliqué à l’examen des pierres qui renferment ou des débris, ou des empreintes d’animaux, ou des végétaux ; il savait reconnaître ces débris ou ces empreintes, avec une sagacité rare ; distinguer les espèces vivantes auxquelles ils appartenaient ou dont ils se rapprochaient ; les pays où ces espèces se rencontrent, et