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ÉLOGE DE M. DE JUSSIEU.


aux détails des précautions nécessaires pour les conserver ; il instruisait les jardiniers, et il parvint à en faire de vrais botanistes.

Chaque année, il conduisait, dans les campagnes des environs de Paris, les élèves qui avaient suivi ses leçons du Jardin du roi. On n’apprend pas mieux la botanique qu’on n’apprend l’histoire naturelle dans un cabinet ; mais la botanique a un grand avantage sur l’histoire naturelle : il n’y a point de pays qui ne renferme un assez grand nombre d’espèces de plantes pour suffire à cette partie d’instruction qu’on ne peut recevoir qu’en observant la nature.

Dans ses promenades savantes, M. de Jussieu enseignait à ses élèves à reconnaître les plantes, malgré les changements que leur fait éprouver la nature du terrain, malgré les accidents qui les défigurent ; il leur apprenait à distinguer le sol qui convient à chacune. Souvent ses élèves se permettaient avec lui des supercheries qu’ils n’eussent osé risquer sous un maître moins habile : ils lui présentaient des plantes qu’ils avaient mutilées exprès, dont ils déguisaient les caractères, en y ajoutant des parties tirées d’autres plantes ; quelquefois même ils lui présentaient des plantes étrangères : M. de Jussieu reconnaissait bientôt l’artifice, nommait la plante, le lieu où elle croissait naturellement, les caractères qu’on avait effacés ou déguisés. On répétait vingt fois cette manière d’éprouver son étonnante sagacité ; il s’y prêtait toujours avec la même simplicité ; et cette bonté lui était si naturelle, qu’il ne s’apercevait même pas qu’il eut besoin de l’avoir ; il