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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


n’en point recevoir les appointements. On me demande si rarement de pareilles grâces, dit le roi, que pour la singularité, je ne veux pas vous refuser. Il n’y a rien jusqu’ici qui doive surprendre ; mais ce qui est moins commun, c’est que ce trait soit resté ignoré, qu’aucun compilateur de flatteries périodiques n’en ait parlé, qu’aucun subalterne n’ait imaginé de flatter M. Trudaine en le publiant. M. Trudaine savait que le désintéressement est du nombre de ces vertus qui font d’autant moins de bruit qu’elles sont plus sincères, et que les hommes qui s’enorgueillissent de leur générosité, ou qui souffrent qu’on la loue avec éclat, avouent par là combien les sacrifices qu’elle a exigés d’eux leur ont été pénibles.

Dans une vie toute remplie par des devoirs, il n’avait pas négligé les sciences. Obligé de s’instruire pour être utile, le goût vif qu’il avait contracté pour elles ne l’abandonna jamais. Il renonça aux sciences de calcul qui maîtrisent trop l’esprit, et qui exigent ou tout le temps, ou toutes les forces de ceux qui s’y livrent. Les sciences physiques furent pour lui un délassement. Il avait dans sa terre de Montigny un laboratoire où il s’occupait d’expériences. Admis dans l’Académie où il succéda à son père, après avoir partagé sa place (car l’Académie, comme la patrie, ne les avaient point séparés) ; associé aux compagnies savantes de l’Europe, il sentait que, ne pouvant justifier ses titres par des travaux suivis, il devait contribuer du moins aux progrès des sciences en les encourageant. Il proposa un prix sur la