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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


en rendre de nouveaux, il fut regretté des étrangers. Ceux qui avaient parcouru la France avaient appris à le connaître par le bien qu’il avait fait ; ceux que le désir ou de jouir de nos arts ou de connaître nos hommes célèbres avait amenés à Paris, cherchaient avec empressement à être admis dans sa société ; et lorsqu’ils retournaient dans leur pays pleins du souvenir des vertus que la simplicité de son caractère n’avait pu leur dérober, ils peignaient M. Trudaine comme un magistrat éclairé et incorruptible, comme un citoyen ami du peuple, comme un philosophe occupé du bonheur de tous les hommes. Dans une âme aussi élevée, l’amour de la patrie n’excluait point l’intérêt que l’on doit aux autres nations, même à celles qui, par une fausse politique, se regardent comme nos rivales. Il ne croyait point que la prospérité d’un État (si elle se fonde sur le malheur de ses voisins) puisse jamais être ou réelle ou durable ; convaincu que pour les nations qui habitent le globe, comme pour les hommes réunis dans la même société, l’intérêt particulier bien entendu se confond avec l’intérêt général.

Nous ne parlerions pas du désintéressement de M. Trudaine, si malheureusement cette vertu n’était très-rare, même parmi ceux qui n’auraient aucun mérite à la pratiquer ; si surtout elle n’était trop souvent un effet de l’orgueil ou d’une avidité plus adroite. M. Trudaine fut désintéressé, et il le fut sans faste. A la mort de son père, ayant été nommé à ses places dans le conseil des finances et dans celui du commerce, il demanda au feu roi la permission de