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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


rance de l’être encore. Mais, tandis que le temps ne fait que rendre plus sensible à l’ambitieux la perte de sa puissance, il console l’homme de bien : éloigné des objets dont il s’occupait, il cesse bientôt de prendre aux affaires d’autre intérêt que celui dont un bon citoyen n’est jamais corrigé par l’inutilité même de ses vœux ou de ses efforts.

M. Trudaine, rendu au repos, à l’amitié, aux sciences, allait être heureux. Il jouissait d’une grande fortune héréditaire, qui ne lui avait coûté ni peines, ni bassesses, ni remords ; qu’il ne pouvait avoir la sottise de regarder comme un mérite, puisqu’elle n’était pas sou ouvrage ; mais qui, lui laissant la possibilité de faire du bien, et d’entreprendre des travaux utiles aux sciences, était pour lui un moyen assuré de bonheur. L’éducation de deux fils, qui annonçaient déjà qu’ils seraient dignes de leur père ; des recherches sur la chimie et la physique déjà commencées, et qu’il avait été obligé de sacrifier à ses devoirs, lui offraient une ressource certaine contre l’ennui. En perdant ses places, il avait conservé toute sa considération, parce qu’il ne la devait pas à ses places, mais à vingt ans d’une administration sans tache, à une probité pure et courageuse, à l’habitude que la nation avait prise de respecter son nom.

Une mort inattendue le ravit à ses amis, le 5 août 1777 ; elle fut douce pour lui, et cruelle pour ceux qui l’aimaient ; ils allaient jouir de lui tout entier. Cher à sa patrie, qui se souvenait de ses services, et qui n’avait pas renoncé à l’espérance de le voir lui