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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


ami du peuple, que la voix publique appelait aux places de l’administration ; et il savait qu’en préparant par cette adjonction un appui à ses enfants, il donnait un protecteur au peuple, et au souverain un ami de la vérité et de la justice.

La suppression des charges d’intendants des finances vint enfin lui rendre le repos. Nous ne dirons pas qu’il a perdu sans regret une place qui, depuis plus de quarante ans, était dans sa famille, et dans laquelle MM. Trudaine avaient toujours si bien mérité de la patrie : il n’y a qu’un moment où l’homme vertueux puisse quitter les affaires sans regret ; c’est celui où il ne peut plus espérer de faire le bien ; et comme il est, pour les ambitieux déplacés, des douleurs qu’un citoyen vertueux ne connaîtra jamais, il en est pour celui-ci, que les ambitieux ne peuvent même soupçonner. Telle serait la douleur de voir sa chute être le signal du malheur public ; tel est le regret d’abandonner des projets utiles déjà commencés, de renoncer à des vues encore trop peu développées, pour qu’on puisse se flatter qu’elles ne seront point abandonnées, que le bien sera fait du moins par d’autres mains ^ et qu’on n’aura perdu que l’honneur d’y avoir contribué. Ainsi, nous ne craindrons pas d’avouer que M. Trudaine a regretté l’administration des manufactures, où l’étendue de ses lumières et ses principes de liberté avaient produit tant d’heureux effets. Il regretta surtout le département des ponts et chaussées : c’était dans ce département qu’il avait travaillé le plus, qu’il croyait avoir été le plus utile, et qu’il avait le plus d’espé-