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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


de soulager, le bien qu’il avait fait ne le consolait pas de celui qu’il n’avait pu faire ; le succès même de ses travaux dans les ponts et chaussées ne lui donnait point une joie pure : il avait trop longtemps demandé en vain, que les possesseurs des terres employées en grands chemins fussent dédommagés de leurs pertes, et il n’obtint cette justice que dans les dernières années de son administration.

Il voyait surtout avec douleur que ces travaux coûtaient trop au peuple, et que le pauvre était forcé de donner gratuitement ses journées. M. Trudaine aurait voulu que les grandes roules, payées par les propriétaires qu’elles enrichissaient, eussent offert des salaires au pauvre qui était sans travail, et qu’elles eussent été pour lui une ressource dans ses maux, et non un atelier de servitude et de misère. Il avait pu espérer un moment d’être témoin de cette heureuse révolution, qui était l’objet de tous ses vœux ; cette espérance trompée fut une de ses dernières peines.

Il y avait longtemps que sa santé, affaiblie par le travail, ne lui laissait plus qu’une existence pénible, et qu’il soupirait après la retraite : il sentait qu’en gardant ses places, il faisait au bien de son pays le sacrifice de son bonheur et de sa vie.

Il avait obtenu l’avantage de confier une partie des objets de son département à M. de Fourqueux, dont il avait épousé la fille. Ce n’était point parce que ce magistrat vertueux était son beau-père, que M. Trudaine l’avait choisi ; mais il s’était trouvé heureux d’avoir dans sa famille un citoyen éclairé et