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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


une fausse idée de magnificence avait augmenté la Jargeur aux dépens de la culture.

Dans ses différents départements, M. Trudaine ne fut ni jaloux de ceux qui travaillaient sous ses ordres, ni gouverné par eux : ses lumières, la noblesse de son âme, la pureté de son zèle, le défendirent de ces deux fautes entre lesquelles marchent les hommes chargés des grandes affaires, et qu’il est malheureusement plus commun de commettre toutes deux que d’éviter à la fois.

M. Trudaine regardait la justice comme la première loi de toute administration ; ennemi de cette politique encore trop accréditée, reste odieux de l’école que fonda Machiavel dans un siècle d’ignorance et de crimes, il ne croyait pas que ce qui était injuste pût jamais être utile. Le bonheur du peuple était à ses yeux le seul devoir et la seule vraie gloire des souverains ; c’était uniquement par le bonheur dont jouit le peuple, qu’il jugeait de la richesse ou de la puissance des nations, des talents ou des vertus de ceux qui les gouvernent. Il croyait que les hommes appelés à l’administration ont plus besoin de vertus et d’instruction que d’adresse et d’habileté. Il ne voyait dans toutes ces prétendues finesses qu’on donne pour la science de gouverner, qu’un art inventé par des fourbes pour corrompre les souverains et opprimer les peuples. Telle fut toute sa politique : elle était simple, elle était celle d’un homme vertueux et d’un ami de l’humanité.

Avec de tels principes, forcé d’être témoin des maux que les circonstances ne lui permettaient pas