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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


que par la simplicité des moyens. Mais pour n’être point trompé en ce genre, il faut être en état non-seulement de juger les projets qu’on a sous les yeux ; il faut encore savoir deviner en quelque sorte s’il n’existe point d’autres moyens ou meilleurs, ou moins dispendieux, moyens que des motifs secrets ont pu écarter des yeux de l’administrateur : il faut être supérieur en lumières à ceux dont on doit craindre ou la vanité ou l’intérêt ; il faut être défendu par l’amour du bien public contre l’illusion d’une gloire passagère et contre le goût du grand, si puissant sur les âmes élevées. Nous ne dirons pas ici que M. Trudaine n’ait jamais été entraîné dans des projets inutiles et magnifiques, que, rendu à lui-même, il eût désapprouvés : et quel homme en place, obligé de combattre sans cesse les intérêts particuliers, toujours réunis contre l’intérêt du peuple, n’aurait pas eu, dans l’espace de vingt ans, un moment d’erreur ? Du moins il succomba rarement ; et si le devoir de rendre justice à la mémoire des morts pouvait autoriser à dire aux vivants des vérités dures et inutiles, nous pourrions citer des exemples remarquables, où il opposa son courage et ses lumières à des projets imposants, mais ruineux, célébrés par la voix publique, et condamnés par le jugement des hommes éclairés. Nous pouvons ajouter que M. Trudaine a fait plus encore, qu’il a eu le courage de réparer ce qu’il regardait comme une faute : nous l’avons vu souscrire avec empressement à la loi qui réduisait à une largeur nécessaire aux besoins de la circulation, ces grands chemins dont