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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


danger que pouvait courir ou sa fortune, ou même sa réputation. Cependant, excédé du travail qu’entraînait l’exécution d’un nouveau plan, tourmenté par la crainte des maux publics, par celle de voir en accuser les mêmes lois qu’il regardait comme le seul moyen de les réparer et de les prévenir, sa santé succomba sous tant de peines ; il vit approcher lentement le terme de sa vie, accablé par cette pensée cruelle que peut-être le fruit de ses efforts allait disparaître avec lui. Nous n’essayerons pas de peindre, dans cette circonstance terrible, l’âme de ce magistrat vertueux ; nous le laisserons parler lui-même. Voici comment il s’exprime dans une espèce de testament qu’il fit alors, testament digne d’un père qui lègue à ses enfants un héritage plus précieux que ses biens, ses leçons, ses sentiments et ses exemples : « L’origine de mes grandes peines (dit-il) a été le département des grains dont je me suis trouvé chargé dans un moment où plusieurs années consécutives de récoltes médiocres avaient amené une cherté désolante. Cette circonstance était d’autant plus affreuse pour moi, qu’elle suivait immédiatement une loi que j’avais fort sollicitée pour la liberté du commerce des grains, loi que je croyais et que je crois encore le salut du royaume et de l’humanité. Mais la plupart des hommes, remplis, les uns de préjugés, les autres de mauvaises intentions, ont cherché à en arrêter l’exécution. J’ai cherché à la soutenir par mon travail et mon occupation, parce que je prévoyais que l’inexécution de cette loi entraînerait des maux