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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


sir bien pur du bonheur public, surtout dans des circonstances où il s’agissait de mettre en pratique des idées regardées encore en France comme des nouveautés, et où celui qui avait osé les proposer pouvait demeurer seul chargé de tous les risques de l’événement. La liberté intérieure fut rétablie en 1763 : en 1764, on accorda au commerce extérieur une liberté limitée ; c’était beaucoup pour M. Trudaine, quoiqu’il eût demandé davantage, quoiqu’il eût cherché à prouver que toute restriction était un mal ; et qu’en ce genre, c’est précisément lorsque la liberté est entière et illimitée, qu’elle est un grand bien. En sollicitant ces lois, en éclairant le gouvernement sur leur utilité, M. Trudaine ne savait pas encore qu’il sollicitait le sacrifice de son repos au bien du peuple : mais quand il l’aurait prévu, son zèle n’en eût pas été ralenti, et il l’a bien prouvé depuis.

Quelques années après la publication de ces lois, il fut chargé de l’administration du commerce des subsistances, et bientôt il eut à combattre en même temps, et les mauvaises récoltes, et les préjugés qui en attribuaient l’effet aux nouvelles lois, et les contradictions sans nombre que toutes les nouveautés essuient, et des terreurs peu fondées sans doute, mais justifiées par la grandeur des maux qu’une erreur eût pu produire. M. Trudaine sentait qu’aux yeux du public peu éclairé sur ces objets, il avait à répondre de la subsistance de tout un peuple ; mais il eût cru manquer à son devoir, s’il se fut permis le moindre retour vers ses propres intérêts, vers le