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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


Trudaine, des jours heureux qu’il n’espérait plus.

Les fermiers des impôts trouvèrent dans M. Trudaine un magistrat exact à maintenir les engagements que le roi avait contractés avec eux ; mais n’oubliant jamais que le souverain était lié à son peuple par des engagements antérieurs et plus sacrés ; combattant les extensions que, trompés sans doute sur l’étendue des droits affermés par le prince, ils cherchaient à donner à ces droits ; s’y opposant avec une vigilance qu’on ne pouvait surprendre, avec une sagacité qu’on ne pouvait tromper, même en prenant le bien public pour prétexte ; enfin, avec une fermeté inébranlable qu’on était étonné de trouver dans un homme d’un caractère naturellement doux et assez facile pour qu’on ait pu quelquefois l’accuser d’être faible. Mais l’amour de la justice et du bonheur du peuple avaient eu la force de l’emporter sur son caractère, force qui semble n’appartenir qu’aux passions. Nous n’ajoutons pas qu’il montra dans ces occasions une équité incorruptible : heureusement nous ne vivons ni dans un pays ni dans un siècle où une telle observation puisse être un éloge.

Dans l’administration du commerce, M. Trudaine trouva encore que les opinions adoptées par le commun des gens en place étaient en contradiction avec ses propres principes. Selon lui, le commerce devait être entièrement libre ; les restrictions qui le gênent ne lui paraissaient que des impôts mis sur le commerçant, et payés par le peuple : toutes ces lois qu’on veut employer à favoriser l’industrie na-