Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/234

Cette page n’a pas encore été corrigée
214
ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


moins que lorsque, sous une autre forme, ils croient n’en payer qu’une partie. Les impôts indirects, au contraire, se lèvent immédiatement sur la partie du peuple qui vit de son travail ; et c’est contre elle que s’exercent ces rigueurs trop souvent inévitables pour en assurer le recouvrement : la distribution de ces impôts est toujours inégale, parce qu’il est impossible de les proportionner, soit aux facultés de ceux qui les payent, soit à la valeur des objets sur lesquels ils sont imposés. Ces impôts entraînent des frais énormes de perception ; découragent le commerce, les arts, l’agriculture ; emploient un grand nombre d’hommes, dont le temps et l’industrie sont perdus pour l’État ; inspirent au peuple le désir de se soustraire par la fraude au joug qu’ils appesantissent sur lui ; font naître une race nombreuse de fraudeurs, que l’habitude de faire un métier dangereux et de braver les lois peut rendre funestes à la société ; entretiennent une guerre sourde entre la nation et les régisseurs des impôts ; obligent enfin, pour réprimer ceux qui font la fraude ou qui en profitent, d’établir des peines sévères, injustes même, osons le dire, puisqu’elles mettent au rang des crimes des actions qui ne blessent aucun des devoirs primitifs de l’homme ; et ces peines, que le nombre des délits oblige de multiplier, font perdre des citoyens, ruinent leurs familles, anéantissent leur postérité. Telles étaient, aux yeux de M. Trudaine, les suites nécessaires et prochaines des impôts indirects : il en gémissait. Il voyait que, par une influence plus éloignée, ces impôts tendaient à relâcher les liens