Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/233

Cette page n’a pas encore été corrigée
213
ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


la nature un cœur droit et un esprit juste, et que cependant l’intérêt, les préjugés et l’amour du sophisme sont parvenus à faire presque regarder comme des rêves systématiques. Il ne craignait pas que ses opinions fussent connues du public, bien sûr que toujours il agirait d’après ses opinions, et que jamais on n’aurait à lui reprocher, comme à tant d’autres, un contraste humiliant entre ses principes et sa conduite.

Le département des fermes générales, dont M. Trudaine était chargé, a pour objet la plupart des impôts établis sur les consommations et le commerce. M. Trudaine croyait cette forme d’imposition également contraire aux intérêts de la nation et à ceux du prince : selon ses principes, les impôts sont toujours réellement payés par les propriétaires sur le revenu de leurs terres, soit que ce revenu se trouve soumis à un impôt direct, soit que des impôts indirects augmentent la dépense du propriétaire, en augmentant le prix des denrées qu’il achète, et diminuent son revenu en diminuant pour lui le prix de ses denrées, ou en augmentant les frais de l’exploitation des terres. Mais selon les mêmes principes, la forme des impôts n’est point indifférente : un impôt direct sur le revenu des terres est le seul équitable, parce qu’il est le seul qu’on puisse distribuer avec égalité ; il est moins onéreux au peuple, parce qu’il n’exige rien de celui qui n’a rien ; le moins onéreux aux propriétaires, parce qu’il n’exige point de frais pour sa perception ; et qu’ainsi les propriétaires, en payant directement la totalité de l’impôt, payent réellement