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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


mander, comme toute éducation est perdue lorsque les enfants ont deviné l’ignorance de leurs instituteurs. Or, de tels secrets sont impossibles à cacher longtemps ; l’intérêt de les pénétrer donne à ceux à qui on voudrait les dissimuler une sagacité funeste.

M. Trudaine se livra donc à des études abstraites et épineuses, dans un âge où, avec ses espérances et sa fortune, la plupart des jeunes gens auraient été trop heureux de trouver le préjugé d’accord avec leur paresse ou avec leurs passions, et de pouvoir dire que les sciences étaient inutiles. M. Clairaut fut son maître dans les mathématiques : M. Trudaine étudia avec lui tout ce qui était connu alors, tout ce qui était difficile même pour les géomètres. Leur union dura autant que la vie de M. Clairaut : le magistrat riche, accrédité, s’honora toujours d’avoir l’homme de génie pour maître et pour ami. Après la mort de cet illustre académicien, tout ce qui lui avait été cher trouva dans M. Trudaine un appui zélé ; et, par une manière de voir trop rare dans lui homme en place, il ne crut jamais s’être acquitté envers M. Clairaut, dont il avait reçu des lumières utiles, et à qui il n’avait donné que de la fortune.

M. Trudaine cultiva la chimie, l’histoire naturelle et la physique, sous les maîtres les plus habiles : il alla dans les ateliers des ponts et chaussées, s’instruire de tous les détails de l’art de la construction : il parcourut plusieurs grandes fabriques ; il apprit à cor maître les matières qu’elles emploient, la manière dont avec ces matières on forme les différents tissus :