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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


fiera l’examen des procédés nouveaux qu’on lui propose à des hommes habiles et incorruptibles ; vainement ils lui développeront les motifs qui dictent leurs décisions ; l’administrateur pourra se tromper encore, lors même qu’ils ne lui auront dit que la vérité ; car en ce genre, comme dans tous les autres, jamais on n’entend parfaitement, jamais on ne juge bien que ce qu’on aurait pu faire soi-même.

M. Trudaine voulut acquérir sur les matières du commerce et sur la théorie des arts, une connaissance fondée sur leurs véritables principes, sur la géométrie, sur la physique, sur l’histoire naturelle. Ainsi, par une étude profonde de la théorie, il suppléait au temps qui lui aurait manqué pour approfondir les détails pratiques : en se plaçant au-dessus des objets pour les embrasser d’un coup d’œil, il apprenait à les voir plus vite, et cependant à les voir mieux : c’était encore pour lui le seul moyen d’acquérir une supériorité réelle sur les hommes occupés des arts dont l’administration lui était confiée, et cette supériorité est, pour ainsi dire, nécessaire à l’administrateur.

Les hommes livrés à la pratique des arts attachent au mérite de leurs inventions une importance presque toujours exagérée, mais qui naît de leur enthousiasme pour l’objet de leurs travaux, et sans laquelle ils ne feraient rien d’utile. Ils sont donc portés à mépriser l’administrateur qui prononce sur les arts et qui les ignore ; et tout bien devient impossible lorsque les hommes ont découvert que celui à qui ils doivent obéir, est indigne de leur com-