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ÉLOGE DE M. TRUDAINE.


et oppose un frein puissant aux faiblesses et aux passions, écueils de la jeunesse, toujours redoutables, même pour les âmes les plus fortes et les plus pures : ce fut le sort de M. Trudaine. Son aïeul donna des exemples de désintéressement et de patriotisme, dans un des temps de notre histoire où ces vertus ont été le plus rares : il abdiqua la place de prévôt des marchands de Paris, parce que, trop instruit pour être la dupe des idées chimériques de Law, il ne voulut point s’abaisser à faire semblant de l’être [1]. Le père de M. Trudaine conserva pendant plus de trente ans, dans l’exercice d’une charge d’intendant des finances, la réputation qui lui avait mérité cette charge, celle d’une probité rigoureuse, éclairée, incorruptible.

Mais ce ne fut pas le seul avantage que M. Trudaine dut aux vertus de sa famille : la difficulté de parvenir aux places, ou la certitude de les obtenir sans talents, éteint également l’émulation. M. Trudaine sentit, dès sa première jeunesse, qu’il avait une juste espérance de succéder un jour à son père, mais que ce magistrat vertueux n’emploierait pas son crédit pour lui faire obtenir ses places, s’il ne le croyait digne de les occuper ; et que toute la faveur qu’un fils pouvait attendre de lui, c’était d’en être jugé avec plus de sévérité.

Il serait à désirer que ceux qui gouvernent les autres hommes les surpassassent en lumières,

  1. Voyez l’Éloge de M. Trudaine le père, Mém. de l’Académie,1769.