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ÉLOGE DE M. DE LA CONDAMINE.


traitent d’objets utiles ou intéressants. Le style en est simple, naturel, un peu négligé, mais élégant et noble, rempli de traits d’une naïveté piquante. On sent qu’aucune de ses pensées ou de ses expressions ne lui a coûté, qu’il n’en a cherché aucune, et que jamais il n’a songé à la manière dont il écrivait. Ses ouvrages sont animés d’une chaleur qui passe dans l’âme des lecteurs, parce qu’elle n’est ni exagérée ni factice. Ce n’est pas un auteur qui parle avec enthousiasme de ce qui est indifférent à tout le monde, et peut-être à lui-même, qui peint la nature au lieu de la décrire, et prodigue les images où il faudrait des preuves ; mais c’est un philosophe plein d’amour pour ses semblables, de zèle pour la vérité, et qui parle de ce qu’il aime.

L’Académie française élut M. de la Condamine en 1760. Cette compagnie célèbre, que le petit nombre de ses membres, l’égalité parfaite qui règne entre eux, les grands noms qui décorent sa liste, les grands hommes qu’elle renferme dans son sein, rendent l’objet des désirs ou de l’envie de tous ceux qui cultivent les lettres, sent tout le prix du talent d’écrire sur des matières scientifiques, avec agrément ou avec éloquence : elle sait que ce talent a le double avantage d’inspirer au public le goût des sciences, en même temps qu’il en rend l’étude moins rebutante pour les savants. Elle le récompensa dans M. de la Condamine : un tel suffrage me dispense de parler plus longtemps de son mérite littéraire.

En remplissant envers sa mémoire le devoir que je lui rends aujourd’hui, j’ai senti plus d’une fois qu’il