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ÉLOGE DE M. DE LA CONDAMINE.


consentit à en être juge. Il se soumit à de longues expériences d’électricité, qui malheureusement ne le soulagèrent pas. Enfin, lorsqu’il n’eut plus rien à donner à l’humanité, il lui fit le sacrifice de sa vie. Ayant lu la description d’une opération peu connue encore, et qu’on proposait comme utile pour guérir une des maladies dont il était attaqué, il voulut consacrer le peu qui lui restait de jours à une épreuve utile : il se soumit à cette opération, instruisit le chirurgien qui devait la lui faire, en discuta avec lui tous les détails. L’opération fut secrète ; et aucun mot, aucun signe de douleur ne trahit ce mystère, même aux yeux de sa femme, que sa tendresse devait rendre si clairvoyante.

Il mourut des suites de cette opération, sans que son courage, sa gaieté et son activité se soient démentis un seul instant. Quelque temps après l’avoir soufferte, il dressa un mémoire de réponses à des questions sur les mœurs des Américains, qu’un savant étranger lui avait proposées. Peu de jours avant sa mort, il voulut faire confidence de son état à un ami ; et le premier mot de cette confidence fut un couplet plaisant sur les suites de l’opération qui le conduisait au tombeau. Son ami, étonné de ce début, le fut encore davantage lorsque après lui avoir achevé le détail de ses maux, il faut nous quitter, dit le mourant ; j’ai deux réponses à faire en Espagne ; c'est le jour de la poste ; le courrier prochain, peut-être il ne sera plus temps. Dans ces derniers jours, où ses douleurs lui laissaient à peine une heure de relâche, il fit encore des vers. Toujours semblable à lui-même,