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ÉLOGE DE M. LA CONDAMINE.


droits, elle croit que, dans une constitution telle que la sienne, plus on multiplie les fonctions du gouvernement, plus la liberté est en danger.

Peu de temps après son retour d’Angleterre, M. de la Condamine fut attaqué d’une insensibilité presque totale dans les extrémités. Il sentit alors que le temps du travail était passé, et qu’il ne devait plus songer qu’à dérober à l’ennui ce qui lui restait encore de temps à vivre et à souffrir. Le talent de la poésie, qu’il avait négligé depuis son enfance, devint alors sa ressource. Il réussit souvent dans les petites pièces où il ne faut que de l’esprit, du naturel et des tournures piquantes. L’art d’écrire en vers est le fruit d’une longue étude, à moins que le génie n’y supplée : il n’est donc jamais le partage de ceux pour qui la poésie n’est qu’un délassement, mais seulement du petit nombre d’hommes dont elle est la première occupation ou le premier plaisir. Cependant on lira toujours les vers de M. de la Condamine y sur l’inoculation, et ses chansons sur des infirmités dont lui seul pouvait avoir le courage de plaisanter. Quoique incapable, par sa situation, de rien faire pour les sciences, il aimait à s’occuper de ce que les autres faisaient pour elles. Lorsqu’il ne fut plus en état de venir à l’Académie, il voulut du moins en parcourir les registres, et lire ceux des mémoires dont l’objet lui paraissait intéressant : il essaya même de rendre utiles au public ces mêmes maladies qui l’empêchaient de le servir d’une autre manière : il proposa un prix sur la nature de l’espèce de paralysie dont il était attaqué. L’Académie de Berlin