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ÉLOGE DE M. DE LA CONDAMINE.


ments d’humeur, inévitables dans un homme dont l’activité prodigieuse était contrariée sans cesse par ses infirmités, ne paraissaient à madame de la Condamine qu’un malheur de plus dont elle devait le consoler. Quelque longue, quelque infirme qu’ait été la vieillesse de son mari, jamais elle n’a cessé de lui prodiguer les soins les plus tendres qui ne lui coûtaient rien. L’idée qu’elle remplissait un devoir sacré à plus d’un litre soutint son courage ; et il lui semblait que, soigner la vieillesse de M. de la Condamine, c’était acquitter les dettes de l’humanité. Lorsque enfin elle a eu le malheur de le perdre, elle l’a pleuré, comme une jeune épouse pleure celui qu’une mort prématurée lui enlève, comme on pleure une perte irréparable.

Le voyage d’Italie ne fut pas le dernier qu’entreprit M. de la Condamine ; il alla en Angleterre dans l’année 1763. Jusque-là il n’avait voyagé que pour faire des observations sur la nature : ce fut alors pour voir des hommes. Le pays qui a été le berceau de l’inoculation devait exciter sa curiosité ; et quel homme n’est pas avide de connaître une nation à qui le genre humain doit Bacon, Locke et Newton !

À peine arrivé à Londres, M. de la Condamine y essuya une légère injustice. Il invoqua le secours des lois anglaises, si justement admirées de l’Europe entière, et si peu imitées ; mais il apprit avec étonne nient que ces lois ne lui assuraient aucune réparation, lien appela à la nation anglaise qui ne se trouva point blessée du reproche de manquer de police, et qui n’eut garde de se corriger. Jalouse à l’excès de ses