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ÉLOGE DE M. LA CONDAMINE.


reté avec la pointe d’un burin, lorsque heureusement pour la réputation du vase, le prêtre chargé de ce dépôt sacré lui arrêta la main. Peut-être eût-il été plus sage, et sûrement il eût été plus prudent de respecter l’erreur populaire. Un philosophe qui s’expose à un danger, pour s’assurer d’une vérité si indifférente, pourra paraître ridicule à bien des gens : cependant cette imprudence ne peut être commise que par un homme en qui l’amour de la vérité est une véritable passion ; et ne pourrait-on pas dire qu’il n’y a point d’erreur indifférente, du moment où elle est adoptée par une nation entière ?

De tout ce que M. de la Condamine rapporta d’Italie, ce qui devait lui être plus cher, était une dispense qui lui permettait d’épouser sa nièce. M. de la Condamine, âgé alors de cinquante-cinq ans, avait besoin d’une compagne ; mais il ne voulut ni se rendre ridicule, ni faire le malheur de personne. Il trouvait dans sa nièce une jeune femme accoutumée à l’aimer comme un père, à respecter en lui sa gloire, ses talents, et jusqu’à des infirmités qui n’étaient à ses yeux que les marques honorables de ses travaux pour les sciences. Il crut qu’une femme raisonnable, sensible, et qui savait combien il est rare que les convenances de fortune et de naissance, plus recherchées que celles d’où dépend le bonheur, permettent d’épouser celui que le cœur aurait choisi, pourrait ne pas regarder comme un malheur de s’unir à un oncle en qui elle était assurée de trouver un ami. Cette union fut heureuse : sûre de la confiance de la tendresse de son mari, les mouve-