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ÉLOGE DE M. DE LA CONDAMINE.


trop simple pour blesser l’amour-propre ou exciter l’envie, intéressant par son courage, et piquant même par ses défauts, avait entièrement fait oublier les savantes recherches de son collègue, qui semblait, comme on le lui dit un jour à lui-même, n’avoir été au Pérou qu’à la suite de M. de la Condamine.

M. Bouguer pouvait donc regarder M. de la Condamine comme un ennemi de sa gloire, du seul bien dont il fût jaloux. Déjà assez âgé lorsque ses talents le firent appeler dans la capitale, et préférant, par goût comme par habitude, le travail à la société, il n’avait pu acquérir cette connaissance des hommes qui apprend à apprécier leurs injustices et à les supporter. Il n’eut pas la patience d’attendre du public et de M. de la Condamine lui-même, la justice qui était due à ses talents ; il ne sentit pas assez que le bruit que l’on fait à Paris ne dure qu’un moment, et que la gloire attachée à des ouvrages de génie est éternelle comme eux. La relation de son voyage fut pleine d’humeur contre M. de la Condamine, qui n’y répondit qu’avec gaieté ; et le public, incapable de juger le fond de cette discussion, fut pour celui qui savait l’amuser.

A peine M. de la Condamine fut-il débarrassé de cette dispute, qu’il se livra à un objet dont les sciences et le commerce devaient retirer un égal avantage, dont l’exécution était simple et facile, et qui n’a été abandonné que par l’indifférence générale des hommes pour ce qui n’est utile qu’au public : c’est, l’établissement d’une mesure universelle. Il proposait de choisir pour unité la longueur du pendule sous