Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/208

Cette page n’a pas encore été corrigée
188
ÉLOGE DE M. LA CONDAMINE.


fut le prix ? Un peu de gloire, des querelles et une surdité incurable. On demandera peut-être quels ont été les objets de la dispute qui s’éleva alors entre MM. Bouguer et de la Condamine ? entre deux hommes qui, pendant plusieurs années, avaient couché dans la même chambre, sous la même tente, et souvent à plate terre, enveloppés dans le même manteau ; qui s’étaient donné, pendant tout ce temps, des marques publiques d’une estime réciproque, et qui ne pouvaient se diviser sans perdre de leur considération, et sans nuire à la gloire de leur entreprise. Nous sommes affligés d’être forcés de répondre, qu’à peine peiit-on apercevoir l’objet réel de cette dispute : mais il est plus aisé d’en deviner les causes morales.

M. Bouguer ne pouvait se dissimuler la supériorité qu’il avait sur M. de la Condamine, comme mathématicien. Tout ce qui, dans la mesure du méridien, exigeait des connaissances profondes, de l’invention, de la sagacité, il le regardait comme son ouvrage : selon lui, M. delà Condamine n’y avait mis que du zèle, de la générosité, une application infatigable et du courage. M. Bouguer croyait donc, et sans doute avec justice, devoir être le premier objet de l’attention publique : il voyait cependant que M. de la Condamine, répandu dans toutes les sociétés, possédant l’art de persuader aux ignorants qu’ils l’avaient entendu, rapportant des observations singulières et propres à amuser la curiosité frivole des gens du monde, écrivant avec assez d’agrément pour se faire lire, avec trop de négligence et un ton