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ÉLOGE DE M. LA CONDAMINE.


de plusieurs créoles. De toutes les nations de l’Europe, l’espagnole est celle qui a conservé le plus longtemps le goût de l’héroïsme ; et M. de la Condamine lui montrait un héros d’une espèce nouvelle, qui déployait, pour éclairer et perfectionner le genre humain, une intrépidité qu’on n’a presque jamais employée que pour l’asservir ou l’exterminer.

Pendant le séjour de M. de la Condamine au Pérou, ce malheureux pays fut exposé à deux fléaux de plus, la guerre et l’éruption d’un nouveau volcan.

Un événement de cette guerre montra à M. delà Condamine que dans cette carrière la gloire dépend bien souvent du succès, et le succès du hasard. Un général espagnol attendait dans la mer du Sud, et près de l’île de Fernandez, l’escadre de l’amiral Anson. Las d’une longue croisière qui devenait périlleuse pour son escadre, il la ramène dans les ports du Pérou. Deux jours après, Anson arrive : ses vaisseaux n’étaient chargés que de mourants ; ils relâchent à l’île de Fernandez ; on y trouve des vivres ; les malades se rétablissent ; et l’amiral anglais, à peine échappé au scorbut et à la faim, court piller et brûler Païta. Il faut bien le regarder comme un grand homme ; mais deux jours plus tôt, Anson, hors d’état de se défendre, serait tombé au pouvoir des Espagnols : il n’aurait été qu’un téméraire ; et le général espagnol, qui mourut de douleur de ne l’avoir pas attendu, aurait été un héros.

L’éruption du volcan de Cotopaxi fut presque aussi funeste que la guerre : cette montagne n’avait point jeté de flammes depuis deux siècles, lorsqu’en