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ÉLOGE DE M. DE LA CONDAMINE.

M. de la Condamine partit de Quito le 4 septembre 1742. Peu de jours avant son départ, on lui vola ses papiers, le fruit de huit années de travaux et de dangers, et le seul prix de la perte de sa santé. La cassette où ils étaient renfermait de l’or et des bijoux. Il fit publier un monitoire ; mais il eut la précaution de déclarer qu’il ne redemandait que ses papiers, et qu’il abandonnait le reste : le monitoire eut tout l’effet qu’on en devait attendre. On rendit les papiers, à l’exception de deux paquets ; ils avaient pour objet le voyage dans les montagnes, où le peuple suppose des mines d’or. On crut qu’ils renfermaient le secret de trouver ces mines, et qu’ainsi on pouvait se les approprier en sûreté de conscience.

M. de la Condamine quitta le Pérou le 11 mai 1743, après huit ans de fatigues incroyables : il nous a laissé l’histoire de son voyage. C’est là que, dans un style souvent élégant, mais toujours plein de chaleur, de naturel et même de naïveté, on le voit parler des dangers qu’il a courus, sans se douter qu’il eût eu besoin de courage ; ne montrer, en parlant d’un accident qui le fit tomber deux fois sans connaissance au pied de son secteur, que sa curiosité d’en pénétrer la cause ; ne sentir, en descendant les bords de la bouche d’un volcan, que le chagrin d’avoir un compagnon qui l’avait empêché de s’avancer plus avant ; emporter enfin du Pérou le regret de n’avoir pas eu de plus un arc de l’équateur à mesurer.

La noblesse et la fierté du caractère de M. de la Condamine lui avaient mérité la bienveillance des gouverneurs de l’Amérique méridionale, et l’amitié