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ÉLOGE DE M. DE LA CONDAMINE.


et l’éclairer sur la corruption des tribunaux, le plus terrible peut-être des fléaux politiques.

Cette corruption était alors au comble dans le Pérou ; car dans une colonie lointaine et qui a peu de liaisons avec la métropole, des administrateurs qui vont chercher la fortune en Amérique, et dont l’honneur ne dépend que des jugements de l’Europe, ont peu de motifs pour s’opposer à ces abus, et peuvent en avoir beaucoup pour les protéger. M. de la Condamine avait suivi cette affaire pendant plus de trois années. Obligé, pour ses opérations, d’errer seul dans des déserts, de passer les nuits sur des montagnes inhabitées, entouré de gens contre qui il demandait justice, et qui avaient prouvé que l’idée d’un assassinat ne les effrayait pas, il courut encore de plus grands risques à son départ du Pérou. Un hasard heureux l’empêcha de passer sur les terres de l’alcade de Cuença : c’était le chemin que naturellement il aurait dû prendre ; et le traitement qu’on lui préparait n’était pas un secret dans le pays.

La mort de Seniergues était arrivée au mois d’août 1739 ; l’année 1740 fut employée en entier par M. de la Condamine et par M. Bouguer, à faire les observations astronomiques nécessaires pour mesurer l’arc du méridien. Leur travail était fini ; mais celui de M. Godin ne l’était pas encore ; il fallut attendre qu’il l’eût achevé. Tandis qu’il observait au nord la méridienne, M. Bouguer répétait au sud les observations qu’il y avait faites : il remarqua alors qu’il avait commis dans les premières une erreur de près de trente secondes ; il trouva la cause de cette erreur,