avec le gendre de l’alcade de Cuença, et ce démêlé paraissait apaisé, lorsque, à une course de taureaux,
l’alcade, ses amis, et singulièrement le grand vicaire
de Cuença, soulevèrent la populace contre les Français.
Le grand vicaire affectait des mœurs austères :
c’était un de ces hommes qui semblent n’avoir renoncé
aux faiblesses des âmes tendres, que pour se livrer avec
plus de liberté à tous les vices des cœurs endurcis : la
sévérité de ses principes et de sa vie lui avait acquis
un empire absolu sur l’esprit du peuple ; il s’en était
servi pour lui persuader que les Français étaient hérétiques.
Seniergues fut assassiné en conséquence, et les
efforts de tout ce qu’il y avait à Cuença de citoyens
honnêtes suffirent à peine pour arracher les autres
voyageurs des mains de la populace effrénée, excitée
par ceux mêmes qui auraient du la contenir ou la
réprimer. Seniergues avait nommé M. de la Condamine
son exécuteur testamentaire : ce dernier s’apercevant
qu’au lieu de venger le crime, l’on n’était
occupé qu’à ramasser contre Seniergues et contre
tous les Français en général des calomnies qui pussent
servir d’excuses, crut que son honneur et son devoir
l’obligeaient à demander justice. Au bout de trois ans
de sollicitations, dont rien ne le rebutait, les ordres
du vice-roi purent à peine arracher un jugement du
tribunal de Quito, et ce jugement condamnait à
l’amende et à un bannissement limité un homme
public, convaincu d’avoir excité le peuple à commettre
le plus lâche des assassinats contre un étranger
que le passe-port du souverain aurait dû faire
respecter. Les coupables craignirent que le conseil
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ÉLOGE DE M. DE LA CONDAMINE.
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