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ÉLOGE DE M. DE LA CONDAMINE.


de créance : mais Quito n’a aucune relation directe avec l’Europe ; il fallait aller à Lima. M. de la Condamine entreprit ce voyage de quatre cents lieues, dans un pays où l’on est obligé de porter son lit ; et, après un séjour de trois mois, il revint à Quito, avec soixante mille livres, pour lesquelles il s’était engagé personnellement, et vingt raille livres que le conseil et le vice-roi lui avaient assignées. Il avait encore eu le temps de faire un mémoire sur l’arbre qui donne le quinquina, et de rassembler un grand nombre d’observations de toute espèce.

Cependant on lui avait suscité un procès criminel durant son absence : le président de Quito, irrité contre les deux officiers espagnols qui accompagnaient les académiciens, avait voulu les faire arrêter : le couvent des jésuites leur avait servi d’asile. Les académiciens français se plaignirent d’une violence contraire au passe-port accordé par le roi d’Espagne : et le président, pour récriminer, les accusa d’avoir fait un commerce prohibé. Ils se défendirent aisément ; mais M. de la Condamine était absent, et d’ailleurs le plus coupable, car il était convaincu d’avoir vendu ses bijoux, sa croix de Saint-Lazare, ses chemises, pour fournir à la dépense de ses confrères et à la sienne.

Des montagnes dont le sommet, quoique situé sous l’équateur, est couvert de glaces éternelles, et qui, depuis la mer jusqu’à ces glaces, offrent toutes les diverses températures, étaient le terrain où les académiciens devaient suivre leurs opérations. Ce pays inhabité ne leur offrait aucun objet qui put leur servir