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ÉLOGE DE M. LA CONDAMINE.


petit nombre de savants, et quelques-uns de ces savants avaient eu la faiblesse de craindre de n’être plus que les disciples de Newton. Aussi Jean Bernouilli s’occupa toute sa vie à combiner de vaines hypothèses sur le système du monde, tandis qu’en perfectionnant la théorie de Newton, il eut pu, comme dans la science des nouveaux calculs, mériter une gloire égale à celle du premier inventeur. La France est la première nation du continent chez qui le newtonianisme ait fait des progrès. Tandis que dans les collèges on réfutait Newton sans l’entendre, tout ce que l’Académie des sciences avait de jeunes géomètres, se livrait à ce système avec cette ardeur qu’inspire une nouveauté sublime et contestée. Un homme illustre, dont nous aurons occasion de parler encore, parce que son nom se trouve lié à tout ce qui a été fait de grand dans ce siècle (M. de Voltaire), avait rendu les découvertes de Newton pour ainsi dire populaires, et avait opposé au livre de la Pluralité des Mondes un ouvrage fondé sur une physique plus vraie.

Cependant, pour que le système de Newton s’établît en France sans contradiction, il fallait qu’iuie opération d’éclat vînt le confirmer ; il fallait surtout que des Français en eussent l’honneur. On regardait comme une humiliation pour la France, d’être obligée d’abandonner Descartes pour Newton, comme si la gloire d’un peuple pouvait dépendre du hasard qui avait fait naître Descartes en l’on raine, et Newton dans le comté de Lincoln. Ce qui honore une nation, c’est le respect qu’elle a pour ses grands