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ÉLOGE DE M. LA CONDAMINE.

Il passa cinq mois à Constantinople ; on lui fit connaître le philosophe alors le plus célèbre de l’empire : c’était un astrologue qui savait à peine les éléments de géométrie. Il y avait cependant une imprimerie à Constantinople, que le fils de l’ambassadeur envoyé en France avait établie après son retour ; M. de la Condamine la trouva presque abandonnée : depuis on en a détruit tous les instruments. Mais les Turcs ont éprouvé, dans ces derniers temps, qu’il n’est pas toujours avantageux à un despote de n’avoir à commander qu’à des hommes avilis par la servitude et par l’ignorance.

M. de la Condamine ne voulut point quitter le Levant sans avoir vu les restes d’une ville que les exploits des héros grecs, et surtout les vers d’Homère, ont rendue immortelle ; mais il ne trouva que les campagnes où Troie avait existé, quelques masures, un petit ruisseau qui coulait à travers des broussailles et se perdait dans des sables arides : c’était ce Simoïs, jadis teint du sang des dieux.

De retour à Paris, à peine eut-il donné à l’Académie les observations recueillies dans son voyage du Levant, qu’il obtint l’avantage de concourir à l’exécution de l’entreprise la plus grande que les sciences eussent jamais tentée : celle de mesurer sous la ligne un degré du méridien et un degré de l’équateur.

Les anciens n’avaient pas ignoré la sphéricité de la terre ; mais il vint un temps où l’on ne connut des anciens que leurs erreurs : le peu de vérités qu’ils avaient enseignées turent oubliées. Dès le cinquième siècle de notre ère, l’opinion que la terre était un globe