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ÉLOGE DE M. DE LA CONDAMINE.


nué la fortune de M. de la Condamine : il avait besoin d’un état où il pût développer son courage, l’activité de son âme et son infatigable curiosité. Ne pouvant prétendre, dans le service, à cet avancement rapide réservé aux grands noms ou aux grandes richesses ; enchaîné d’ailleurs à son grade par une longue paix, il ne put se résoudre à se renfermer dans les fonctions monotones d’officier subalterne. 11 quitta l’état militaire pour se livrer aux sciences, se flattant, avec raison, de l’espérance d’être plus utile à son pays dans cette nouvelle carrière, et sûr du moins que ses succès ne coûteraient de larmes qu’aux ennemis de l’humanité et des talents.

En 1730, il entra à l’Académie en qualité d’adjoint chimiste. Il avait également étudié toutes les sciences dont l’Académie s’occupe, et il n’y en a pas une seule sur laquelle il n’ait donné des mémoires ou des observations. Une curiosité qui portait sur tout et que tout réveillait, un besoin d’action qui lui rendait toute longue méditation impossible, l’empêchèrent d’approfondir assez aucune science pour parvenir à des découvertes réelles : mais de tous les savants qui n’ont pas mérité d’être placés au rang des inventeurs, aucun n’a contribué autant que lui aux progrès des sciences, et n’a rendu des services aussi importants et d’une utilité aussi durable.

Peu de temps après son entrée à l’Académie, il s’embarqua sur l’escadre de M. Guay-Trouin, et parcourut, sur la Méditerranée, les côtes de l’Afrique et de l’Asie. Il savait qu’il rapporterait de son voyage de quoi se faire pardonner son absence.