Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/174

Cette page n’a pas encore été corrigée
154
ÉLOGE DE M. FONTAINE.


fortes. Racine, qui peint les passions, moins par les traits qui leur échappent que par le développement des sentiments qui les forment ; Racine qui, lorsqu’il exprime l’égarement des passions, ne s’écarte jamais de cette logique qu’elles suivent à l’insu même de ceux qui les éprouvent ; Racine ne doit pas moins plaire au philosophe qui y revoit ce qu’il a observé, qu’à l’âme sensible qui retrouve ses mouvements avec des nuances qu’elle-même n’aurait pas su si bien démêler.

Le goût pour l’agriculture, les soins qu’il prenait de sa terre d’Anel, n’avaient pu diminuer, dans M. Fontaine, son aversion naturelle pour les affaires. Le hasard lui suscita un procès dans les premières années de sa possession ; il en chargea un avocat, qui se crut obligé de lui rendre compte de ses démarches. Un jour qu’il lui en parlait, Monsieur, lui dit le géomètre après l’avoir écouté quelques instants, croyez-vous que fuie le temps de m’occuper de votre affaire ? On peut juger quelle fut la surprise de l’avocat, et quelle idée cette réponse dut lui donner de la géométrie et des géomètres.

Lorsque de jeunes mathématiciens recherchaient les conseils et la société de M. Fontaine, qu’ils lui parlaient de leurs travaux et de leurs idées, on le voyait les encourager et en causer avec eux : tantôt suivre les mêmes routes, tantôt leur en proposer de nouvelles ; mais ils n’étaient pour lui qu’une occasion de s’occuper de géométrie, il les oubliait dès qu’ils travaillaient seuls. Ce qu’il avait fait, ce qu’il se sentait capable de faire, le préservait de toute