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ÉLOGE DE M. FONTAlNE.


travaux avaient donnée de lui, les grandes espérances qu’on avait de ceux qu’il annonçait, empêchèrent qu’on ne se plaignît de cette infraction aux règlements. D’ailleurs comme, à l’exception de l’analyse pure, tous les autres objets dont l’Académie s’occupe lui étaient étrangers, et surtout indifférents, et que les hommes qui savent bien une chose, ne parlent jamais de celles qu’ils ignorent, à peine pouvait-on s’apercevoir de son absence. Sa vie, à la campagne, était solitaire et simple : tout ce que ses travaux et les soins de l’agriculture lui laissaient de temps, il l’employait à observer les gens de la campagne ; et, comme nous leur avons tout donné de nos vices, hors l’art de les cacher, il y voyait à découvert ces retours secrets et humiliants d’intérêt et d’amour-propre que l’homme poli ose à peine s’avouer à lui-même, et qu’il dérobe si scrupuleusement aux autres. Revenu dans le monde, M. Fontaine y retrouvait les mêmes faiblesses et les mêmes vices, et il avait le plaisir de les surprendre et de les pénétrer, malgré le voile dont on sait si bien les couvrir. C’est ainsi qu’à force de dessiner le nu, le sculpteur apprend à démêler et à faire sentir les effets des muscles, même au travers des plis d’une draperie.

M. Fontaine avait lu presque tous les bons livres de notre littérature ; mais il ne relisait que Tacite et Racine. Cette même profondeur d’avilissement et de perversité qu’il avait observée chez ses contemporains, il la retrouvait dans Tacite, mais agissant sur de plus grands objets et placée dans des âmes plus