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ÉLOGE DE M. FONTAINE.


choquer la vanité lorsqu’elle se montre, ce n’est que repousser une attaque injuste. Si l’on entend par méchant, non celui qui méprise les hommes et qui ne s’en cache point, mais celui qui cherche à leur nuire, M. Fontaine ne pouvait être méchant ; il avait trop bien calculé les peines que coûte la méchanceté et les petits plaisirs qu’elle procure. Cependant il n’avait point pour elle la haine vigoureuse de la vertu, mais il la méprisait et s’en moquait. La méchanceté n’était à ses yeux qu’une sottise aussi ridicule que beaucoup d’autres.

Jamais il n’entra dans ces brigues sourdes, dans ces intrigues déshonorantes pour les sociétés littéraires. Il n’y a point d’avantage d’amour-propre ou d’intérêt, auquel un homme, dominé par un grand talent, puisse sacrifier le plaisir de se livrer à une idée qui le maîtrise. Aussi a-t-on toujours vu de pareilles intrigues être l’ouvrage de ces hommes que poursuit le sentiment de leur impuissance, qui cherchent à faire du bruit, parce qu’ils ne peuvent mériter la gloire ; qui, n’ayant aucun droit à la réputation, voudraient détruire toute réputation méritée, et fatiguent par des petites méchancetés l’homme de génie qui les accable du poids de sa renommée.

Bien que M. Fontaine, en qualité de pensionnaire, fût obligé à la résidence par le règlement de l’Académie, il a fait presque tous ses ouvrages à la campagne. Les grandes théories qui l’occupaient avaient besoin d’être suivies sans distraction, et il disait qu’une découverte valait mieux que dix ans d’assiduité à l’Académie. La haute idée que ses premiers