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ÉLOGE DE M. FONTAlNE.


n’était donc point plagiaire, et jamais il n’eût voulu l’être ; il savait que s’approprier la découverte d’un autre, c’est convenir de sa supériorité.

Heureux par l’étude, ayant dans la géométrie et dans la culture de sa terre, un remède sûr contre l’ennui, M. Fontaine n’avait besoin ni des services, ni, malheureusement pour lui, de l’amitié de personne. Il ne cherchait point à plaire, et dédaignait de se faire craindre ; il observait les hommes sans autre intérêt que celui de les connaître, et les observait avec cette profondeur et cette finesse qui l’avaient si bien servi contre les difficultés les plus épineuses de l’analyse. Mené par M. de Maupertuis dans ces sociétés de gens oisifs qu’on appelle le monde, il vit bientôt que, des hommes qui le composent, la plupart sans passions, sans vertus et sans vices, n’ont qu’un seul sentiment, la vanité plus ou moins déguisée. Mais il vit aussi que les hommes vains n’attachent tant de prix à des choses indifférentes en elles-mêmes, que parce que les autres en sont privés ; il vit que ce sentiment, à la fois puéril et cruel, blesse en secret, lors même qu’il fait rire ceux à qui la fortune a refusé les avantages dont la vanité se pare. M, Fontaine crut donc que la vanité ne méritait aucun égard, et il la traita sans pitié. On lui demandait un jour ce qu’il faisait dans le monde, où il gardait souvent le silence, comme ceux qui ne prononcent des mots que lorsqu’ils ont des idées. J'observe, dit-il, la vanité des hommes pour la blesser dans l'occasion. Ce mot n’était pas en lui l’expression de la méchanceté, c’est qu’il croyait que