Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/170

Cette page n’a pas encore été corrigée
150
ÉLOGE DE M. FONTAINE.

Il faut disculper ici M. Fontaine d’un reproche grave qu’on pourrait lui faire avec quelque apparence de justice, celui de n’avoir pas cité avec assez de soin ce qu’il a emprunté des autres géomètres. En effet, Nicolas Bernouilli avait donné avant lui une équation de condition pour les équations du premier ordre à trois variables. M. Euler est le premier auteur du théorème sur l’intégration des fonctions homogènes, par lequel M. Fontaine commence son ouvrage sur le calcul intégral. Enfin, tout son travail est fondé sur la méthode de différencier sous le signe ; et cette méthode, souvent attribuée à Jean Bernouilli, se trouve dans les lettres de Leibnitz, qid, content de mériter la gloire, et trop grand pour s’en occuper, négligeait de revendiquer ses découvertes, et se contentait de la conscience de son génie et du suffrage de Bernouilli.

M. Fontaine a cependant mêlé toutes ces découvertes avec les siennes, et les a également données comme de lui. C’est qu’il les avait réellement faites, c’est que jamais géomètre n’avait moins lu de livres de géométrie ; il était même en géométrie d’une ignorance singulière : c’est la seule science où cette ignorance puisse subsister avec de grandes découvertes, parce que c’est la seule science où l’esprit tire tout de son propre fonds. L’ignorance ne sert même alors qu’à lui donner plus d’originalité et plus de hardiesse. C’est ce qu’on remarque dans les ouvrages de M. Fontaine, et on voit qu’il lui en coûtait moins pour affronter les plus grandes difficultés, que pour se plier à une marche étrangère. Il