Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 2.djvu/169

Cette page n’a pas encore été corrigée
149
ÉLOGE DE M. FONTAlNE.

On sent que M. Fontaine devait dédaigner les louanges, surtout celles qui tirent tout leur prix du rang de celui qui les donne ; il était même insensible aux honneurs littéraires. La seule chose qui ait paru le flatter fut son entrée à l’Académie des sciences ; peut-être parce que cet événement ayant précédé ses plus belles recherches, il était alors moins sûr de ce qu’il valait. Il aimait à parler du bruit qu’avait fait sa première méthode du calcul intégral, dont on avait parlé, disait-il, dans les cafés ; mais on ne savait ce qui l’avait le plus frappé, ou le grand effet de ses découvertes, ou le ridicule de ceux qui le célébraient sans l’entendre. Loin qui cherchât à se rendre l’objet de l’attention et des discours du public, l’espèce d’amour-propre qui s’occupe de ce soin, les petites finesses qu’il emploie, étaient un des défauts que M. Fontaine observait avec le plus de plaisir. Un jour, un homme célèbre, mais avide de l’opinion, lui parlait avec mépris trop sérieux de cette curiosité pour l’ambassadeur turc, qui était devenue l’unique occupation d’une ville entière. M. Fontaine crut entrevoir un peu d’humeur dans ce mépris : Que vous fait l'ambassadeur turc ? lui dit-il ; est-ce que vous en seriez jaloux ?

L’importance attachée à de petites choses était un autre ridicule que M. Fontaine ne pardonnait pas. Quelqu’un dissertait longuement devant lui sur le prix commun de plusieurs denrées, et sur les soins qu’il avait pris pour le déterminer avec exactitude. Voilà, dit M. Fontaine, un homme qui sait le prix de tout, excepté le prix du temps.